
Le manioc, un aliment de base pour plus de 25 % des populations africaines, occupe une place centrale dans la sécurité alimentaire des pays en développement. Cette racine nourricière est au cœur d’une thèse présentée par Germaine-Alice WAKEM, doctorante financée et encadrée par le Cirad, qui a défendu son travail de recherche à l’Université de Yaoundé I, au Cameroun, le 24 janvier 2025. Sa thèse, intitulée « Influence de la variété et de l’environnement sur l’aptitude à la transformation des racines de manioc par rouissage », explore comment la diversité variétale et les conditions environnementales impactent la transformation du manioc, un processus essentiel pour son adoption par les paysans.

Le manioc : un pilier pour la sécurité alimentaire
Dans les régions d’Afrique subsaharienne, le manioc joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’insécurité alimentaire. Cet aliment polyvalent se transforme, par divers procédés traditionnels, en produits locaux consommés par des millions de personnes. Parmi ces procédés, le rouissage, une fermentation naturelle qui se produit lorsque les racines de manioc sont immergées dans l’eau, est déterminant pour améliorer la texture et les propriétés culinaires du manioc. Ce processus influence non seulement la qualité du produit final, comme le « bâton de manioc », mais également l’adoption de certaines variétés par les agriculteurs.
Des essais sur huit variétés dans des zones agro-écologiques contrastées
Le travail de Germaine-Alice WAKEM s’inscrit dans le projet international RTBFoods, qui cherche à comprendre les caractéristiques de qualité influençant l’adoption des variétés de racines, tubercules et bananes dans cinq pays d’Afrique. Sa recherche a porté sur huit variétés de manioc cultivées dans deux zones agro-écologiques distinctes du Cameroun. Ces zones, choisies pour leur diversité pédoclimatique, comprenaient une région forestière caractérisée par des sols ferralitiques et une zone montagneuse avec des sols volcaniques.
Les tests menés ont révélé des différences significatives dans le processus de rouissage selon les variétés et les conditions agro-écologiques. Par exemple, la fermeté des racines de manioc a diminué dans toutes les variétés après le rouissage, mais à des vitesses variables. Les différences dans la composition des parois cellulaires des racines, en particulier la présence de petites cellules denses ou de grandes cellules en quantité limitée, ont également influencé la rapidité du ramollissement.
Un impact sur les propriétés de l’amidon et la sélection variétale
L’étude a mis en lumière l’influence du rouissage sur les propriétés d’empesage de l’amidon contenu dans les racines de manioc. L’amidon, essentiel à la texture du bâton de manioc, voit ses propriétés de viscosité, d’élasticité et d’étirabilité modifiées par le processus de fermentation. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour les sélectionneurs de manioc, en particulier dans l’identification d’indicateurs biophysiques qui pourraient faciliter la sélection variétale.
Les travaux de WAKEM sont prometteurs pour l’avenir de la sélection variétale et la promotion du manioc dans les régions vulnérables. En identifiant des critères objectifs liés au rouissage, les chercheurs et agriculteurs peuvent désormais mieux comprendre comment choisir les variétés de manioc qui répondront aux attentes locales en termes de transformation et d’adoption par les populations.
Le Cirad, un acteur clé dans la formation par la recherche
Le Cirad, à travers son programme de formation par la recherche, joue un rôle déterminant en soutenant les étudiants comme Germaine-Alice WAKEM. En offrant un encadrement scientifique rigoureux et des financements, le Cirad permet de développer des solutions adaptées aux enjeux de sécurité alimentaire en Afrique. Cette thèse contribue à renforcer les connaissances sur le manioc, tout en offrant des outils pratiques pour améliorer sa production et sa transformation.
Avec des résultats prometteurs, cette recherche marque une avancée dans la compréhension des interactions entre la variété du manioc et son environnement. Les indicateurs biophysiques identifiés pourront servir de base pour de futures innovations agricoles, essentielles pour faire face aux défis alimentaires dans les pays en voie de développement.
En conclusion, la thèse de Germaine-Alice WAKEM offre un nouvel éclairage sur l’importance de la transformation des racines de manioc et ouvre la voie à une sélection variétale plus ciblée, en tenant compte des spécificités environnementales et des exigences des consommateurs locaux.

Sources: https://cm.ambafrance.org/, www.cirad.fr

Jean Bosco BELL