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L’idée d’une philosophie négro-africaine est un livre de Marcien Towa publié en 1979 aux éditions CLÉ, à Yaoundé. Il est à l’origine une conférence que l’auteur devait proposer au Festival de Lagos en 1976.

Dans ce texte à la structure tripartite, Marcien Towa apporte des éclaircissements sur la position qu’il avait défendue huit ans plus tôt dans son Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle. Il s’agit d’abord de faire le point sur la notion de philosophie (premier chapitre) ; de confronter ensuite le concept de philosophie ainsi établi à la situation africaine (chapitre deux), pour poser les « Problèmes d’une philosophie africaine de notre temps » (chapitre trois). Le texte se ferme sur un Débat qui n’est pas sans intérêt pour comprendre les objections auxquelles a dû faire face l’auteur lors de la présentation de son livre, et pour comprendre aussi comment il s’est défendu.

L’essentiel du premier chapitre est une définition de la philosophie que l’auteur présente comme « pensée de l’absolu » (p. 7) en comprenant le terme « pensée » dans « un sens restrictif » (id.), c’est-à-dire essentiellement critique. Cette définition permet à l’auteur de séparer l’activité philosophique de l’activité mythique en tant que cette seconde veut se soustraire au pouvoir critique de la philosophie. Or si le pouvoir critique de la philosophie concerne l’absolu, il est lui-même absolu, c’est-à-dire que la philosophie a une « dimension pratique » (p. 11) qui est idéologique. Ici, l’auteur entend établir une distinction avec la science qui serait une activité neutre de ce point de vue. Enfin, l’auteur souligne le caractère universel de l’activité philosophique tout en reconnaissant ses situations particulières et soutient que les philosophies particulières ne sont philosophies qu’en tant qu’elles participent de l’essence de la philosophie, c’est-à-dire qu’elles résultent « d’un débat sur l’absolu, sur la réalité, les valeurs et les normes suprêmes » (p. 13).

Le second chapitre est le plus long et présente l’essentiel de l’argument de l’auteur qu’on peut comprendre comme une application des résultats de la réflexion du chapitre un à la situation de la philosophie africaine dont il s’agit d’établir la nature : « mythe ou réalité » (p. 15). L’auteur opte pour la « réalité d’une philosophie négro-africaine » (p. 24) tout en rejetant l’hypothèse ethnophilosophique d’une « philosophie négro-africaine propre » (p. 15) distincte de la philosophie occidentale. Son argumentaire l’amène à analyser l’histoire de la pensée africaine depuis l’Égypte antique jusqu’à l’Afrique subsaharienne à partir de laquelle il peut conclure à « l’existence d’une tradition philosophique africaine profonde remontant à la plus haute antiquité qui soit » (p. 44).

Le dernier chapitre reprend largement l’argumentation de l’Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, et l’auteur identifie les tâches de la philosophie africaine dont la plus importante est selon l’auteur de « Domestiquer la science et la technologie » (p. 55) pour s’assurer de posséder « une [des] conditions nécessaires de la philosophie » (p. 51) : « La puissance, ou plus justement, la conscience de la puissance » (id.). Cela passe par le rejet du « culte de la différence » (p. 65) et une « révolution » (p. 68) qui doit préparer une « renaissance culturelle » (id.)

À la lecture de ce livre on se rend bien compte que Marcien Towa n’a jamais renié l’existence d’une philosophie négro-africaine, mais a surtout cherché à éclaircir le concept ainsi que l’usage africain du terme occidental de philosophie.

Par Jean Éric BITANG

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