Ruben Um Nyobé : L’héritage trahi et la mémoire profanée
Le 13 septembre 2025, le Cameroun a commémoré le 67e anniversaire de la mort de Ruben Um Nyobé, figure historique et emblématique de la lutte pour l’indépendance. Plus qu’une simple commémoration, l’événement a mis en lumière une douloureuse réalité : celle d’une mémoire nationale bafouée par l’indifférence des autorités. Cette blessure, loin de se refermer, continue de façonner la conscience collective et le roman historique du peuple. C’est une trahison mémorielle d’une ampleur troublante.
La trahison de l’héritage
Cette trahison se manifeste de manière flagrante dans la déchéance de son principal héritage, l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Autrefois porte-drapeau d’un nationalisme fédérateur, le parti est aujourd’hui déstructuré. Le terme « upécisation » est devenu un synonyme d’anarchie dans le paysage politique, une triste caricature de ce que représentait ce mouvement de libération. Pour couronner le tout, les querelles ethniques les plus surréalistes gangrènent aujourd’hui les rangs de ceux qui se revendiquent de l’héritage d’Um Nyobé, qui lui-même a combattu sans distinction d’ethnies, reniant ainsi la noblesse même de leur combat.
L’approche des élections ajoute une couche de cynisme à cette tragédie. On assiste à un défilé macabre de leaders politiques qui, comme sortis d’un profond coma, se souviennent subitement du parcours qui mène à la sépulture de fortune du Mpodol. Certains n’ont même pas la décence d’aller s’y recueillir, préférant l’instrumentalisation politique à une véritable réappropriation de notre histoire.
Une tragédie qui se répète
La destinée tragique d’Um Nyobè ne s’arrête pas à sa mort. Ses camarades de lutte ont également connu des fins tragiques, scellant le sort d’une génération de patriotes. Félix-Roland Moumié, Ernest Oundié, Ossendé Afana ou encore Martin Singap ont suivi leur leader dans la tombe. Le destin de ces figures historiques de la lutte pour l’indépendance témoigne de la violence qui a marqué cette période et du lourd tribut payé par ceux qui ont osé défier le pouvoir colonial.
Une mémoire qui refuse de mourir
L’État a tenté d’effacer le souvenir du Mpodol de la tête des Camerounais. Sa dépouille, profanée, a été enfouie dans une masse de béton sans épitaphe distinctive, le privant d’un lieu de pèlerinage. Cette volonté d’effacer une mémoire explique également l’abandon de sa sépulture dans la broussaille et son effacement des manuels scolaires et académiques. Cet abandon s’étend aux autres héros de la lutte, à l’instar de Félix-Roland Moumié, dont le corps repose à Conakry, loin de la terre qu’il a tant aimée.
En 1991, la loi portant réhabilitation de certaines figures historiques a été promulguée. Mais la sincérité de cette réhabilitation peut être remise en question. La reconnaissance symbolique n’a pas été suivie de réparations légitimes et financières dues à leurs familles. Une réhabilitation sans réparation est une justice incomplète. L’héritage d’Um Nyobè continue de hanter une nation qui n’a pas encore pleinement réconcilié sa mémoire avec son histoire.















Vijilin NGUELIFACK