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Depuis plusieurs décennies, la région des Grands Lacs est marquée par des conflits d’une violence inouïe, et celui entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Mouvement rebelle du 23 mars (M-23) ne fait pas exception. Ce conflit, pourtant largement méconnu du grand public jusqu’à récemment, est en passe de basculer dans une nouvelle phase, plus dangereuse. Il s’agit d’une guerre qui échappe à toute médiation efficace, nourrie par des rivalités politiques, des intérêts économiques colossaux et un jeu d’alliances troubles.

L’assassinat qui change la donne

Tout a basculé avec l’assassinat du général major Peter Cirimwami, gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu. Cet acte, que Kinshasa attribue à un sniper rwandais, est perçu comme l’ultime provocation. Le président congolais, Félix Antoine Tshisekedi, n’a pas tardé à réagir avec fermeté. Il a immédiatement rompu les relations diplomatiques avec le Rwanda et expulsé les diplomates rwandais. Une guerre semble désormais inévitable, alors que Tshisekedi menace de lancer des opérations militaires contre Kigali.

La communauté internationale tente de réagir, mais les efforts diplomatiques sont vains. Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU s’est tenue, mais elle n’a pas permis de débloquer la situation. Le Congo, désormais déterminé, exige le retrait immédiat des troupes rwandaises soutenant la rébellion du M-23. Ces dernières, estimées à environ 4 000 hommes, jouent un rôle clé dans la déstabilisation de la région, notamment par leur mainmise sur des ressources stratégiques comme les terres rares.

La position ambiguë du Rwanda

Le président rwandais, Paul Kagamé, continue à nier l’implication de ses troupes dans le conflit. Pourtant, ses déclarations contradictoires sèment le doute. D’un côté, il revendique la province du Nord-Kivu, affirmant qu’elle appartenait historiquement au Rwanda avant d’être annexée au Congo lors de la colonisation. De l’autre, il justifie ses actions par la nécessité de protéger les populations tutsi vivant de l’autre côté de la frontière.

Cette rhétorique ne convainc plus personne, d’autant que la ville stratégique de Goma est désormais encerclée par les forces du M-23. La situation sur le terrain est critique : plusieurs points névralgiques sont passés sous contrôle rebelle, et les casques bleus de l’ONU, impuissants, sont repliés dans leurs bases. L’armée sud-africaine, quant à elle, promet une riposte énergique, mais elle est elle-même fragilisée par la mort de treize de ses soldats dans des combats récents.

Vers un embrasement régional ?

Le conflit congolais pourrait très rapidement prendre une dimension régionale. La région des Grands Lacs est souvent comparée à une poudrière prête à exploser, et les tensions actuelles ne font qu’accentuer cette perception. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a, lui aussi, menacé de prendre des mesures contre le Rwanda après la mort de ses soldats. Cette déclaration a été accueillie avec froideur par Paul Kagamé, qui a immédiatement placé son armée en état d’alerte.

D’autres pays de la région, comme l’Angola, le Malawi, le Burundi, et même le Kenya, envisagent d’envoyer des troupes en RDC pour stabiliser la situation. Mais les efforts de médiation menés par le président kényan William Ruto ont déjà échoué, la partie congolaise ayant refusé de participer à une réunion de crise. Kinshasa reproche à la communauté internationale son inaction et son laxisme face à une situation qui ne cesse de dégénérer.

Le poids de l’histoire

Le conflit entre la RDC et ses voisins, en particulier le Rwanda, trouve ses racines dans l’histoire récente du Congo et de la région. Lorsque Laurent-Désiré Kabila a pris le pouvoir à la fin des années 1990, il s’appuyait en grande partie sur des troupes étrangères, notamment des miliciens rwandais. Mais très vite, les relations entre Kabila et ses anciens alliés se sont détériorées. La première guerre du Congo éclata en 1998, marquant le début d’une longue série de conflits dans l’est du pays.

Son fils, Joseph Kabila, qui lui succéda à la tête du pays, tenta de stabiliser la situation, mais les relations avec le Rwanda restèrent tendues. Le M-23, formé en grande partie d’anciens combattants tutsi, reprit les armes dans les années 2000, poursuivant une guerre de basse intensité tout en exploitant les richesses naturelles de la région. Aujourd’hui, l’armée congolaise, mal équipée et mal formée, peine à contenir l’avancée des rebelles.

Le jeu des puissances

Le conflit dans les Grands Lacs ne se résume pas à une simple opposition entre deux pays. Derrière les affrontements militaires se cache une lutte d’influence entre les grandes puissances. Le Rwanda, sous la houlette de Paul Kagamé, est un allié stratégique pour des pays occidentaux comme la France, la Belgique ou les États-Unis. Ce soutien diplomatique permet à Kagamé de maintenir une ligne dure face à la RDC, tout en jouant sur le traumatisme du génocide rwandais pour justifier ses actions.

Cependant, avec l’escalade des tensions, la pression internationale commence à se faire sentir. La Grande-Bretagne et les États-Unis ont exprimé leurs inquiétudes et menacent de revoir leurs relations avec Kigali. Le Rwanda est de plus en plus isolé sur la scène internationale, alors que les appels au retrait de ses troupes se multiplient.

Un avenir incertain

La situation dans la région des Grands Lacs est plus incertaine que jamais. Les appels à la paix se heurtent à la réalité d’un terrain où les intérêts économiques et géopolitiques priment sur toute tentative de résolution pacifique. La RDC, riche en ressources naturelles, est au cœur des convoitises de nombreux acteurs, et ce conflit pourrait bien être l’excroissance d’une rivalité plus large entre les puissances mondiales.

Le rôle de la communauté internationale dans ce conflit est ambigu. Bien que les forces de la MONUSCO soient présentes sur le terrain depuis des années, elles n’ont pas réussi à stabiliser la situation. Le gouvernement congolais exige leur retrait, mais face à la résurgence des combats, ce départ a été reporté.

Dans ce contexte explosif, la région des Grands Lacs est, une fois de plus, à la croisée des chemins. Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de cette région troublée, qui risque de s’enfoncer encore davantage dans la violence si une solution durable n’est pas trouvée rapidement.

Nguelifack Vijilin

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