C’était attendue, c’est désormais chose faite : le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Il était 20h, heure de Dakar, lorsque le président sénégalais, tout de noir vêtu, le regard placide, la mine noire et l’air grave est apparu aux petits écrans pour s’adresser à ses compatriotes. Au cours de son allocution, il officialisa ce qui était devenu le secret de polichinelle le mieux gardé du Sénégal : la dissolution de l’Assemblée nationale.
Il faut dire que depuis son élection le 24 mars dernier – au premier tour d’un scrutin expéditif à la présidence du Sénégal – tous les observateurs, locaux comme internationaux, de la scène politique sénégalaise annonçaient une dissolution inéluctable du parlement, sous-tendant leurs analyses par les « nécessités politiques ».
Avec une Assemblée nationale majoritairement au couleur de la coalition politique Benno Bokk Yakar du régime de Macky Sall déchu, Diomaye Faye était condamné à chercher sa propre majorité afin de faire passer ses lois, levier indispensable pour implémenter son programme politique.
Les raisons d’une inévitable dissolution
Pour justifier sa décision lourde de conséquences, le Président de la République a évoqué trois raisons principales qui sont constitutives d’un empilement d’actes et de faits qu’il a qualifié de « regrettables ». D’abord le rejet, 29 août dernier, d’un projet de révision constitutionnelle visant la suppression du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) et le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), toutes des institutions qu’il juge budgétivores et prévoit la suppression dans son programme politique, tout ceci dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires.
Il a ensuite évoqué les nombreuses manœuvres dont usent les députés de la coalition Benno Bokk Yakar, fidèles à son prédécesseur, pour bloquer son action, notamment la menace de censurer le gouvernement et, plus grave encore, le refus – en toute violation d’une obligation légale notamment l’article 56 de la loi des finances – de tenir le débat sur l’orientation budgétaire au risque de mettre le pays en porte à faux contre ses bailleurs de fonds internationaux.
Enfin, il a clôturé cette séquence par l’évocation des tentatives « d’usurpation des prérogatives constitutionnelles dévolues au président » par les députés de la représentation nationale qui avaient pris sur eux de fixer, en lieu et place du Chef de l’Etat, conformément à article 97 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la date de la tenue par le Premier Ministre du discours de politique générale.
C’est pour tous ces motifs que le président Faye a dit avoir tiré les conséquences qui s’imposaient, notamment cette dissolution.
« Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain de me donner les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise », a-t-il renchéri.
Bassirou Diomaye Faye, un légaliste
Pour les constitutionnalistes sénégalais, le président Faye avait les mains liés en ce qui concerne la dissolution de la chambre basse du parlement car, l’article 87 de la Constitution ne rend possible la dissolution de l’Assemblée nationale qu’au moins 200 jours après le début de la législature. Une exigence formelle à laquelle le président Bassirou Diomaye Faye s’y est tenu au jour dit, dissolvant ainsi l’Assemblée nationale au lendemain du 200e jour de son entrée en fonction. Il n’a même pas attendu que la déclaration de politique générale du Premier Ministre qu’il avait fixé au 13 septembre ait lieu.
Dans la procédure de dissolution, le président de la République a dit avoir saisi, pour consultation, le président du Conseil Constitutionnel sur la légalité, le Premier Ministre et le Président de l’Assemblée nationale sur l’opportunité, conformément aux prescriptions pertinentes de l’article 87 de la Constitution.
En ce qui concerne la date des nouvelles élections législatives anticipées, il les a fixées au dimanche 17 novembre 2024. Le Président de la République espère ainsi disposé, au sortir desdites élections, d’une majorité stable à l’Assemblée nationale pour lui permettre d’implémenter son programme.
Nguelifack Vijilin Cairtou