L’avis du Pr. ABA’A OYONO sur le conflit entre la FECAFOOT (Fédération Camerounaise de Football) et le MINSEP (Ministère des Sports et de l’Éducation Physique) éclaire les tensions en cours à travers une analyse juridique approfondie. Il met en avant la primauté du droit, en soulignant que la sécurité juridique est un droit constitutionnel non négociable, essentiel pour la stabilité des relations sociales.
Selon lui, la loi de 2018 confère à la FECAFOOT une autonomie administrative et financière, dans un cadre où l’État ne joue qu’un rôle résiduel de tutelle. Cette autonomie, inscrite dans le principe de la hiérarchie des normes, doit être respectée par les actes juridiques inférieurs, tels que les décrets et conventions, qui ne peuvent en aucun cas contredire la loi. Le professeur souligne que le pouvoir de l’État, incarné par le MINSEP, ne doit pas phagocyter cette autonomie, au risque de créer une relation de subordination non justifiée.
Il critique l’omniprésence de l’État dans les affaires de la FECAFOOT, qu’il considère comme une tentative d’étouffement, incompatible avec le cadre légal en vigueur. Le recours au contentieux administratif est, selon lui, le seul moyen de protéger l’autonomie de la FECAFOOT face à l’abus de pouvoir. En cas d’échec, l’État pourrait se voir contraint de reprendre la gestion du football, au risque d’une exclusion internationale, car la FIFA ne reconnaît que les fédérations sportives.
Le professeur conclut en rappelant que la centralisation excessive du pouvoir est contraire à l’esprit de la Constitution camerounaise, qui prône un État unitaire décentralisé. Il voit dans cette concentration des pouvoirs une source de corruption et d’instabilité, appelant à un respect strict des règles juridiques pour préserver l’intégrité des institutions.
Arsène BAMBI KONDO
Lire l’intégralité du propos de l’Universitaire ci-dessous :
FECAFOOT-MINSEP, avis du Professeur ABA’A OYONO, Agrégé de Droit Constitutionnel
La primauté du Droit est un impératif pour la stabilité des relations sociales. Ce à quoi s’attache l’Etat de Droit tant exalté par tous.
Le tout premier droit NON NÉGOCIABLE que la Constitution de la République met au bénéfice des personnes est LA SÉCURITÉ JURIDIQUE.
L’Etat peut décider de gérer un service en RÉGIE. Dans ce cas, l’activité d’intérêt général (service public) est pilotée par deux moyens combinés : les agents publics et les deniers publics.
À l’opposé lorsque l’Etat abandonne ce mode de gestion du service public, soit il crée un Établissement public, comme la CNPS, l’ONIES ou l’université publique à titre d’illustration, soit il confie la gestion du service public à une personne privée bénéficiant des prérogatives de puissance publique (émettre des décisions à caractère administratif quoiqu’étant une personne privée) et met des subventions conséquentes à sa disposition, ces moyens financiers servant alors à assurer le fonctionnement du service public volontairement confié.
La loi de 2018 s’inscrit dans ce dernier cas de figure. L’Etat, unilatéralement, s’est déchargé de la gestion du football en régie en confiant cette activité à la FECAFOOT, tout comme c’est le cas des autres fédérations sportives.
Les actes juridiques inférieurs que sont décret et convention ne sauraient s’en écarter en édictant autre chose que cette norme contenue dans la loi. C’est le principe de la hiérarchie des normes juridiques.
Dans ces conditions, l’Etat est confiné à un rôle RÉSIDUEL de tutelle consistant en un contrôle minimum et non maximum. Il n’y a dès lors aucune relation hiérarchique de subordonné à supérieur entre la Fédération et l’Etat, représenté en l’espèce par Le MINSEP. La fédération conserve alors la possibilité de faire respecter ce lien souple de tutelle par la saisine du juge administratif dans l’hypothèse de tout dysfonctionnement résultant de l’abus du MINSEP.
C’est le pur Droit administratif que je distille à l’Université en 2e année de licence.
Le pouvoir, c’est déjà un rapport de force. N’étaient-ce les barrières érigées autour du Président de la Fédération pour des raisons purement alimentaires, nous n’en serions guère à cette omniprésence de l’Etat en phagocytose (étouffement). « La loi assure à tous les Hommes le droit de se faire justice », fixe la Constitution.
J’avais ce faisant suggéré à plus d’une personne, proches de SEF, d’engager le contentieux au commencement de la tentation dictatoriale de l’Etat. Nul n’a permis de me rapprocher de lui. Le juge administratif aurait permis, à coup sûr, de rétablir l’autonomie administrative et financière de la FECAFOOT.
Lorsque la culture de la lutte juridictionnelle nous fait défaut, on boit l’excès de pouvoir jusqu’à la lie. Seul le contentieux administratif, en pareille occurrence, est un rempart contre l’arbitraire administratif. À défaut, si l’Etat veut être omniprésent et tout contrôler, il lui revient de retirer l’agrément à la Fédération et de gérer corrélativement le football en RÉGIE.
Et comme la FIFA ne traite qu’avec les fédérations sportives et non avec les Gouvernements dans ses textes fondateurs (Statut), l’Etat va assumer son exclusion de facto et de jure de la scène sportive internationale.
Enfin, l’article 1er, alinéa 2 de la Constitution dispose: « La République du Cameroun est un État Unitaire décentralisé ». C’est cette manie du système à vouloir à tous les prix concentrer les pouvoirs entre les mains d’une seule entité, en violation des règles juridiques pourtant clairement établies, qui est la source de nos malheurs.
Le pouvoir corrompt fondamentalement.
Pr ABA’A OYONO
NB : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d’Actu Cameroun.