Alors que le monde entier garde les yeux rivés sur la guerre en Ukraine, une autre bataille tout aussi stratégique se joue dans l’ombre, aux confins du globe. L’Arctique, vaste étendue de glace s’étendant sur environ 21 millions de km², est devenu l’objet de toutes les convoitises. En cause : le réchauffement climatique, qui ouvre de nouvelles routes maritimes et expose des ressources fossiles colossales, notamment des hydrocarbures. Et dans cette course pour contrôler l’Arctique, la Russie semble être en pole position.
La fonte accélérée des glaces arctiques, causée par un réchauffement climatique deux fois plus rapide dans cette région qu’ailleurs, révèle des réserves estimées à 160 milliards de barils de pétrole non découverts et à 30 % des réserves mondiales de gaz naturel. Ces richesses, enfouies sous les couches glacées, attisent les ambitions de nombreux pays, notamment la Russie, qui possède près de la moitié de la zone polaire et 24 000 kilomètres de côtes.
Depuis 2014, Moscou a mis en œuvre un plan massif de remilitarisation de l’Arctique, réactivant des bases militaires de l’ère soviétique et renforçant sa présence dans la région. La Russie est aujourd’hui le seul pays à posséder une flotte de brise-glaces nucléaires, élément clé pour maintenir une présence commerciale et militaire dans ces eaux gelées. En 2023, Rosatom, la société nucléaire d’État russe, a rapporté que 36 millions de tonnes de marchandises ont transité par la route maritime du nord, un record, avec pour ambition de multiplier par dix ces échanges d’ici 2033.
Cette route maritime, qui longe les côtes russes et réduit de 35 % le temps de transport entre l’Europe et l’Asie, constitue un enjeu géopolitique majeur. Alors que la Russie s’ouvre ainsi un accès privilégié aux marchés asiatiques, notamment à la Chine, les tensions montent avec les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN.
En réponse, Washington a lancé un « plan de reconquête » de l’Arctique, visant à renforcer ses positions en Alaska, où des exercices militaires de grande ampleur impliquant des avions de chasse F-35 sont régulièrement menés. De plus, l’OTAN, avec l’entrée récente de la Finlande et de la Suède, renforce son emprise dans la région. Mais malgré cette riposte occidentale, la Russie avance ses pions et pourrait bien dominer cette nouvelle guerre froide arctique.
Dans ce contexte, l’Arctique, autrefois isolé, devient d’après nos homologues de GEO, l’épicentre d’enjeux économiques, climatiques et militaires d’une importance cruciale pour l’avenir mondial.
Arsène BAMBI KONDO