
Pour sa visite ce 14 mars sur le chantier de réhabilitation du boulevard urbain de Douala (communément appelé pénétrante ou Entrée Est de Douala), Emmanuel Nganou Djoumessi aurait peut-être souhaité un ordre du jour différent. Procéder à la mise en service de l’infrastructure, en lieu et place d’une simple inspection du projet, comme cela fut finalement le cas. Sur cette section de la route Nationale N°3 longue d’un peu plus de 8,94 km, les travaux réattribués à MAG Sarl mi-jancier 2022 (l’entreprise assure la sous-traitance pour le compte de MAGIL) pour une durée de 36 mois n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Prévus pour s’achever ce 19 janvier 2025 (délais contractuels), ils sont exécutés à 88%.
Sur le terrain, l’« ingénieur de l’Etat » a pu évaluer le niveau d’avancement du chantier. Notamment, l’intensification des travaux près du carrefour Ari, et la poursuite des travaux sur certaines sections. « Sur le tronçon partant de Borne 10 à Entrée Dibamba, l’avancement des travaux est de 80%. Avec notamment la finition des terrassement et l’attaque proprement dite des couches d’assise des chaussées qui se situent aussi aux alentours de 85%. Il va nous rester les aménagements extérieurs que nous avons d’ailleurs débuté et qui demandent un soin particulier pour que la ville soit embellie. De façon générale, un taux de 80 à 82% peut être sérieusement envisagé », explique Mbock, ingénieur chez Egis.

Accumulation des blocages
Mais, sur ce chantier financé à hauteur d’environ 87, 291 milliards de FCFA (prêt hors taxes et hors TVA obtenu auprès de la Standard Chartered Bank de Londres), les obstacles s’accumulent. Sur les travaux connexes (dessertes des quartiers), les travaux sont à l’arrêt. « Les travaux ont été stoppés pour un problème de recalibrage et de dimensionnement, notamment avec la découverte des réseaux des concessionnaires qui empêchent d’avancer dans les terrassements. Chaque fois qu’on avance, on casse les tuyaux, on casse les câbles. Mais nous avons entrepris de mettre les crédits à disposition. Ces travaux vont reprendre incessamment », tente de rassurer Mbock.
Mais la présence des réseaux n’est pas la seule contrainte. Les contrats de KALFRELEC et DJEMO BTP, entreprises retenues pour le lot ouvrage d’art (passage supérieur de Yassa et passage inférieur de Japoma) ne sont pas signés par MAGIL Construction. Ajouté à ces contraintes, le retour des pluies, qui pourraient venir doucher la bonne cadence entamée ces derniers mois.
« Accélérer les travaux et démarrer la construction de l’ouvrage de Japoma », c’est l’une des prescriptions faites par le MINTP aux entreprises. Sur les nouveaux délais de livraison, aucune date n’a été avancée. « Il n’y a plus de contrainte technique. Toutes les contraintes techniques ont été envisagées et solutionnées. Maintenant, il y a des contraintes liées au temps. Il faut que la pluie nous permette de travailler. Sur la fin des travaux, elle surviendra incessamment », s’est contenté de dire Mbock, sans grande assurance.
MAGIL
Sept ans après le premier coup de pioche, l’Entrée Est de Douala reste donc en chantier, pour une durée indéterminée. Après le Consortium d’entreprises chinoises GPT Weihai International Economic & technical cooperative Co. Ltd, et China Railway 14th bureau group Co Ltd (WIETC/CRCC14) contractualisé en avril 2018, puis chassé en 2019, le canadien MAGIL arrivé à grands renforts médiatiques, n’est pas été le sauveur annoncé. Et c’est le moins que l’on puisse dire, car le contrat de type EPCM (Engineering procurement construction management) signé avec l’Etat du Cameroun reste semé d’embuches.
Janvier 2022, l’Etat débloque 21,822 milliards de FCFA au titre de l’avance de démarrage (AD) pour le compte de MAGIL. Trois mois plus tard, les travaux accusent un retard. Fin mars, lors de la revue des programmes routiers (traditionnelle rencontre entre le Maître d’Ouvrage et les entreprises de BTP), MAGIL fixe le début des travaux au mois d’avril, et accuse le gouvernement de lenteurs dans certaines procédures administratives. Notamment au niveau de la prise en compte de l’exonération de la TVA et des droits de douanes. Certes, son contrat prévoit l’exonération totale (TVA, frais de douane etc.), mais le MINEPAT, à l’époque, souhaite en avoir le cœur net.
A côté des lenteurs administratives, l’entreprise déplore le non-paiement des décomptes N°13 à 23. Une demande qui sonne mal dans la tête du Maître d’Ouvrage. Au mois de mars en effet, MAGIL a perçu au total 33,966 milliards de FCFA, dont les 21,822 milliards de FCFA d’avance de démarrage et à peu près 12,143 milliards de FCFA, qui représentent le paiement des décomptes (N°1 à 12).
MAG Sarl
« L’objectif des décaissements c’est pour construire la route. Avec 38,91% du budget total déjà payé, l’entreprise devait montrer un meilleur engagement que celui observé sur le terrain », répond le MINTP, qui menace de « dresser un constat de défaillance de l’entreprise ».
« MAGIL a bénéficié d’un contrat EPCM. C’est-à-dire qu’elle réalise les travaux, qu’elle manage. Je viens de lui demander de me produire un calendrier de mobilisation assorti des ressources déjà obtenues parce qu’elle a déjà eu l’avance de démarrage, un certain nombre de décomptes sont payés. Ce calendrier, c’est pour indiquer ce qu’elle a déjà fait, ce qui reste à faire, comment elle entend le faire, avec quelles ressources humaines, quels moyens, quelles ressources matérielles…Je lui ai prescrit une dizaine de jours pour produire ce calendrier des travaux. Auquel cas j’évaluerai ses insuffisances que je ne souhaite pas faire, et 21 jours plus tard, pour en tirer les conséquences de droit », crache Emmanuel Nganou Djoumessi.
MAGIL, sous la pression du gouvernement, contractualise MAG Sarl, pour réaliser les travaux en sous-traitance, mais traîne à lui reverser l’avance de démarrage perçue. Il faut attendre le mois de mars 2023, soit près d’un an, et l’arbitre du MINTP, pour débloquer la situation, et donner une cadence acceptable au chantier.
Source: Bougna.net
